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A genoux devant sa Reine
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18 octobre 2007

Gustave pas Julien !

Après ma parodie de blogues tenus par des écervelés et mes souvenirs de fan énamouré, je reprends les choses en main. Hier, malgré les menaces de grève de métro dès la fin d'après-midi et mon côté "mal-fichu chronique", je daignais (oui, parfois, je joue les stars) retrouver Romanito au Grand Palais pour voir l'exposition Courbet, ouverte au public depuis deux ou trois jours.

Courbet, pour moi un nom pas vraiment fixé dans mon esprit. "L'origine du monde" bien sûr mais pour le reste : un peintre du XIXe siècle... Mais encore. Une bonne occasion d''en savoir plus.

Qu'en ai-je retenu au final ? Une rétrospective intéressante, bien évidemment, pas ennuyeuse pour un sou et complète. Comme toujours au Grand Palais, les panneaux explicatifs placés en ouverture de salles - très concis - replacent bien le peintre dans son époque et dans l'histoire de l'Art et éclairent parfaitement ce que nous pouvons ensuite voir. De toutes les oeuvres proposées, j'ai surtout apprécié ses nombreux autoportraits et certains de ses paysages de rivière. Par contre, ses scènes de chasse ne m'ont pas parues d'une originalité folle. Je retiens aussi le parcours d'un parcours d'artiste libre, anti-conventionnel mais avide de reconnaissance et surtout de gloire. Je ne regrette pas d'avoir fait le déplacement.

En élève appliqué et consciencieux, je vais me livrer à un exercice passionnant : une tentative de biographie et une livraison d'impressions mêlées.

Gustave Courbet (1819-1877) vient d'un milieu franc-comtois relativement aisé. Il tire une des originalités de son oeuvre dans son refus des canons esthétiques de son époque et de ses sujets quasi-imposés. Chez lui, point de représentations bibliques ou mythologiques, ni de scènes historiques. Il veut peindre ce qu'il voit, le quotidien. Malgré ce prosaïsme, peu aux goûts du milieu du XIXe siècle, il parvient à s'imposer rapidement. Son coup d'éclat vient se sa façon de peindre en traitant un simple sujet, de la vie quotidienne, en lui conférant la dignité des sujets de l'Antiquité. Dans une des salles est proposé l'exemple le plus frappant de cette volonté : "Un enterrement à Ornans" (son village natal).

COURBET

La toile, équivalente ou presque, en superficie au "Sacre de Napoléon" par David, présente un village rassemblé autour d'une fosse. Le format panoramique, réservé jusqu'alors aux sujets nobles, se retrouve détourné au profit d'une banale cérémonie villageoise. Le tableau scandalise le Salon de 1850 et assure le succès de Courbet, ravi de la polémique. Du coup, il récidive trois ans plus tard avec "La Baigneuse", le portrait d'une femme potelée, nue et de dos. Eh oui, à l'époque, les Français ne connaissaient pas encore le clip de "Pourvu qu'elles soient douces" !

Courbet___Baigneuse_small

Encore un esclandre : les visiteurs du Salon repartent outrés et Napoléon III cravache même la toile ! Pourquoi se priver de récidiver ? (jamais deux sans trois, n'est-ce pas Cyril, toi qui adore ces proverbes à la Geneviève de Fontenay...). Deux ans plus tard, Courbet présente, en parallèle du salon officiel et juste en face, une quarantaine de peintures. Comme chez Ardisson, tout le monde en parle et se presse - même ses détracteurs - pour voir ces dernières. Clou de cette exposition : un nouveau panoramique qui montre l'artiste dans son atelier, au milieu de la toile, soulignant la place centrale de l'artiste dans la société. Un nouveau succès qui lui permet d'écrire à ses parents : "Je stupéfie le monde entier" (un peu présomptueux et mégalomane, le monde entier, rien que cela !!!). D'ailleurs, l'exposition propose de voir dans la première salle de nombreux autoportraits, dans lesquels il se représente en peintre, sculpteur ou musicien. Le plus célèbre reste "Le désespéré" (affiche de l'exposition) où il prend une pause romantique hagarde. Un regard saisissant.

lll

A souligner aussi son attachement à sa terre d'origine. Il ne peindra qu'occasionnellement Paris, lui préférant sa région natale, ses bois et ses rivières (la série de la "Grotte de la Loue") ou les côtes normandes. Sans oublier des scènes de chasse, une de ses marottes, où il saisis l'horreur, la cruauté mais aussi la compassion envers le gibier que peut susciter cette pratique. A ce sujet, il propose "l"hallali du cerf", insoutenable.
Je ne peux passer sur son "Origine du Monde", pas vraiment sa meilleure toile mais la plus connue. Le club du troisième âge se pressait hier dans la reconstitution de boudoir improvisé pour accueillir l'oeuvre ! Commandée par un diplomate turc, Khalil-Bey (pour les aficionados d'"Angélique, marquise des anges", vous penserez à Bachtiari Bey !), installé à Paris, pour compléter sa collection personnelle de tableaux érotiques, pour la petite histoire. Vendu pour cause de dettes, la tableau réapparu chez des antiquaires, caché par un panneau peint représentant un château dans la neige, d'après le récit d'Edmont de Goncourt. Acquis par Jacques Lacan dans les années 1950, dissimulé de nouveau sous un cache à double fond qui proposait une vision surréaliste de ce tableau (les deux caches l'entourent au Grand Palais). A la mort du psychanalyste, le Ministère de l'Economie et des Finances accepta que les droits de succession de la famille soient réglés par donation en lieu de l'oeuvre au Musée d'orsay en 1995. Depuis, ce tableau a accédé au statut d'oeuvre culte.

origine_du_monde

La fin de sa vie fut moins glorieuse mais néanmoins haute en couleur. Accusé d'avoir ordonné la destruction de la Colonne Vendôme pendant la Commune, durant laquelle il présidait la Fédération des artistes, il se retrouve emprisonné à Neuilly. Il s'exile à sa sortie en Suisse pour échapper à d'autres poursuites. Il ne peindra plus que des natures mortes, se représentant  parfois sous la forme d'une truite agonisante... le symbole d'un artiste contraint au silence et souffrant. Il ne souhaite rien montrer de cette époque de sa vie, pénible moralement et pécuniairement mais, dans son soucis de peindre ce qu'il ressent, il utilise la métaphore picturale. Néanmoins, il jouera un bon tour à la justice : devant financer la reconstruction de la colonne, il devait commencer à payer des traites le 1er janvier 1978 mais mourut le 31 décembre 1877.

Pour conclure (enfin, je comprends que beaucoup aient abandonné...) : un agitateur, se voulant libre et braver les conventions, dont les outrances réjouissaient les gazettes de son époque, mais qui se révélait très sensible dans sa correspondance (Il écrivit à sa soeur : "Avec ce masque riant que vous me connaissez, je cache à l'intérieur le chagrin, l'amertume et une tristesse qui s'attache au coeur comme un vampire") et dans les appréciations de Baudelaire. Provocateur, son optimisme de façade dissimulait ce que révélait bon nombre de ses toiles : une mélancolie sourde et un abattement. Ces autoportraits en désespéré ou en artiste écorché-vif s'avèrent en ce sens révélateurs.

Un artiste au service de son art, qu'il tenta de renouveler en s'inscrivant dans la tradition. Pour Dominique de Font-Réaulx : "C'est peut-être le premier des modernes, mais c'est aussi le dernier des classiques".

Un tableau au titre changeant : intitulé d'abord "La toilette de la mariée" pour finalement être connu sous le titre de "la toilette de la morte". "Mariée martyre" ou "Requiem pour trois mariages", des artistes qui savent contempler les oeuvres.

Gustave_Courbet___La_toilette_de_la_morte

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Commentaires
O
"avec ce masque riant vous me connaissez, je cache à l'intérieur le chagrin ". Est-ce un autopotrait ? <br /> Faut-il faire le lien avec le titre ?
A genoux devant sa Reine
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