Point de suture.
Le séisme de la semaine - et le mot me semble faible - restera la découverte de "Point de suture", le nouvel album de Mylène Farmer. Plus de trois ans après "Avant que l'ombre...", elle repart enfin à la conquête des charts et des espèces sonnantes et trébuchantes. Un grand merci à Cyril qui m'a permis de découvrir ce très bon crû grâce à ses dons d'informaticiens (c'est là que je reconnais mes vrais amis).
Pourtant, rien ne présageait cet engouement. Pour la première fois en vingt ans, je ne trépignais pas d'impatience, un peu déconcerté par le single fer de lance. Je ressentais, en fait, une grosse indifférence face à cette sortie. A près de trente ans, je pensais devenir raisonnable et ne plus passer mes nuits à écouter des chansonnettes. Comme le dirait Julien C., je "dépassionnais la relation" !
Mais mardi mes certitudes volèrent en éclats. Vers six heures, avant de partir gagner mon pain, je découvris la couverture de "Têtu" et, déjà, je sentais que ma motivation de travail frôlerait le niveau zéro mais je partais quand même, convaincu de ne pas céder aux fuites d'Internet qui permettait de lire l'interview et de découvrir les photos. Seulement, à peine juché sur mon fauteuil de ministre, je fonçais sur un forum et dévorais les confidences de ma soi-disant ancienne idole. Et la magie opérait.
Vers onze heures, un mail m'avertissait que l'intégralité de la pochette de l'album circulait sur le net. deuxième choc de la journée. Tout ça dans l'indifférence de mes collègues, qui ignoraient que je bouillais de ne pas pouvoir soûler mon entourage en criant au génie absolu ! Heureusement que je déjeunais avec Stéphane pour comparer nos impressions !
Je pensais passer un après-midi calme, après toutes ses émotions. Mais dès mon retour au boulot, je m'apercevais que l'album s'écoutait sur un site russe et passait de fan en fan. Une fois les titres dans ma boîte de réception, je tentais une écoute sauvage au bureau mais aucun son ne sortait de cette maudite machine. Autant dire que l'univers professionnel n'existait plus, je planait dans une sphère bien éloignée des ressources humaines. C'est simple, Al Qaida dévastait le quartier, je ne me rendais compte de rien. Face à cette déconvenue, et obligé d'assurer un minimum de travail, j'appelais Olivier pour qu'il charge l'album sur son PC, que je puisse ouïr tout ça à mon retour. Mais là encore, rien ne passait. Heureusement que Cyril me guide depuis des décennies dans l'univers de l'informatique, sinon j'en serais encore à ne pas savoir allumer un ordinateur ! Je lui envoyais, tout penaud, un mail désespéré lui expliquant le drame qui se jouait et, en deux temps trois mouvements, il me débrouillait la situation. Un immense merci à mon sauveur donc. Dès qu'Olivier m'avertit que les titres fonctionnaient, je quittais mon splendide hôtel particulier (je ne me lasserais jamais de préciser ce détail) comme une flèche et battais tous les records dans la catégorie "retour la plus rapide à la maison" ! Aucun athlète olympique n'aurait pu me dépasser.
Alors quid de ce septième album ? Un très bon crû. Après les langueurs du précédent, ses ballades et ses errances, place à du up tempo qui renvoient la vieille Madonna dans ses cordes. Bien calé, je me laissais partir pour une écoute craintive au vu du premier morceau - qui trouve sa pleine dimension dans cet ensemble - et de ses bribes de textes (Alex je n'oublierai jamais ton expression lors de ta découverte de "Dégénération" lord d'une DH evening). Des paroles malignes et malicieuses, sans mot répété dans toutes les chansons (je n'en pouvais plus de ses ombres), parfois légères, bien balancées, quelquefois inquiètes, éloignées des préciosités d'antan. Musicalement, pas de quoi crier au génie. Mais comme je me contrefous de la musique, je ne demande rien de transcendant. Les titres donnent envie de bouger, de sauter partout, de se lever dans le métro et - pour une fois - de laisser sa place aux vieux qui pullulent dans les rames. A part une ou deux morceaux un peu "soupe" (je vise bien sûr "Réveiller le monde", qui constituera un moment fort en concert), je trouve le reste formidable.
Pour l'anecdote (et j'en vois déjà certains qui vont rigoler), j'ai failli verser ma larme à l'écoute du premier titre "inédit". Parce que bon, le principal c'est de retrouver cette voix, LA voix de Mylène. Celle qui m'émeut, me file des frissons, me touche. Alors bref, sur un morceau léger et frais, me voilà, comme un abruti, ému et bouleversé de retrouver mon idole. Cinq secondes d'émotion pure. Et grand bonheur aussi de retrouver ses envolées de voix dont elle détient le secret (vous savez quand elle miaule et qu'on ne comprend rien à ce qu'elle dit pour - ceux qui détestent - et quand elle touche le sublime et que voix devient cristal - pour les inconditionnels).
Pour donner une idée de ce peut être l'album je dirais qu'il "révèle la folle qui dormait en moi" ! Hormis deux plages lentes - dont le magnifique "Point de suture" qui clôturera le show et me fera inonder les gradins du Stade de France - où elle nous ressort, pour notre plus grand plaisir, ses failles et ses vieilles angoisses, un deuxième duo avec Moby (planant mais pas de quoi se relever la nuit quand même), elle nous livre des textes coquins, voire allumés. Entre ses confessions érotiques dans "Appelle mon numéro", où elle évoque les putes à la demande dans les hôtels (le pillow matraqué dans le texte renvoie à ce code utilisé par les clients pour en obtenir une), ses moments sous substances dans "Paradis inanimé" (ah ce son rock à la "Anamorphosée", quel délice !) et son ode aux vibromasseurs et autres sextoys dans "Sextonik" - sans oublier ses gémissements qui me rendent hilare dans la rue - la voici bien en forme.
Mais mon grand coup de coeur demeure "C'est dans l'air". Un petit soupçon de "Je t'aime mélancolie" ou de "Porno graphique" pour la mélodie de voix initiale, un côté donneur de leçon sympatoche, un refrain dément. La bombe de l'album qui, je l'espère, sortira en single. Une vraie philosophie en quatre minutes. Et une ultime provocation en assénant "On s'en fout, on nie tout, on finira au fond du trou" suivie d'une confession révélatrice "Et moi je chante, je m'invente une vie". Finalement, en deux lignes elle en dit autant qu'en vingt-cinq ans de carrière. Une bouffée d'air frais, pas gnan-gnan-moi-j'aime-la-vie-qui-est-trop-belle-et-j'aime-tout-le-monde-et-je-suis-amoureux, qui confirme l'immense bonheur de la retrouver.
Je ne le répèterai pas : courrez acheter ce bijou dès le 25 août dans vos supérettes. "J'sais pas moi, faut que ça bouge". Mais, de toute façon, "Point de suture", déjà dans vos iPod !!!